Vers la notion «d’établissement stable numérique ou virtuel»

Les dispositifs fiscaux des États sont aujourd’hui obsolètes face au développement de l’économie numérique, notamment parce qu’ils ne prennent pas en compte la création de valeur de cette nouvelle économie de marché. Quid du critère « d’établissement stable » pour les entreprises qui proposent des services numériques dans un autre pays ?

Enjeu : permettre que les profits réels de l’économie numérique soient captés par les États au lieu de consommation des services numériques.

Lorsque l’entreprise établie en France exerce tout ou partie de son activité dans un autre pays par l’intermédiaire d’un « établissement stable , elle devient imposable dans cet autre pays sur les bénéfices générés par son activité sur place. Le critère d’établissement stable tel que défini par la loi est très concret et physique (agent commercial dépendant, installation fixe d’affaires etc.). Or, aujourd’hui, une entreprise n’a plus besoin d’être présente physiquement dans un pays pour produire de la valeur et faire des bénéfices. C’est pourquoi la notion d’établissement stable va évoluer pour s’adapter à l’économie de marché et à l’économie numérique.

Problématique fiscale

Les entreprises du numérique sont vues comme absorbant le maximum de valeur de marché, notamment par la désintermédiation des services. Tout est géré depuis l’entreprise centrale située par exemple à l’étranger. De fait, il n’existe plus de captation du profit aux différents maillons de la chaine de valeur.

Exemple : une commission pour une mise en relation entre acheteur et vendeur sera captée au lieu de la société, située à l’étranger, et non au lieu de consommation du service, empêchant les États du lieu de l’utilisateur de capter le profit de cette commission.

Pour cette raison, face aux affaires fiscales des GAFA qui ont occupé l’actualité de ces dernières années, l’Union Européenne et l’OCDE exhortent les États à réfléchir à un nouveau concept virtuel d’établissement stable pour une mise en place à moyen terme concernant cette fois tous les acteurs du numérique quelle que soit leur taille.

Présence numérique significative

Avec ce nouveau concept « d’établissement stable numérique » les bénéfices ne seraient plus taxés à l’impôt sur les bénéfices au lieu du fournisseur, mais bel et bien taxés au lieu de l’utilisateur ou du consommateur puisque ce dernier est une condition nécessaire à la réalisation des profits et reflète notamment la marge générée par les effets de réseaux (lieu de présence numérique significative).

La réflexion est en cours et l’élaboration pourra se faire un peu attendre, tant le concept est complexe (attractivité des États, concurrence, définition des critères du bon modèle fiscal, détermination du bénéfice numérique, etc.). Mais attention, car ne le disions-nous pas aussi de la taxe GAFA (solution d’attente de l’établissement stable numérique) qui a pourtant vue le jour très rapidement en France début 2019.

Erreurs à ne pas commettre

Penser que fiscalité du numérique = uniquement CIR (crédit d’impôt recherches) ! La fiscalité du numérique c’est aussi la fiscalité de vos flux et de votre économie, avec des redressements fiscaux qui se comptent en points de marge nette (Ebitda).

Les bons reflexes

  • se tenir informé sur l’établissement stable numérique ;
  • en attendant, faire le point sur vos établissements stables classiques (voir notre article) car cette notion ne disparaitra pas pour autant et un contrôle fiscal se déclenche en général pour l’ensemble de vos activités…

Info +

La Taxe GAFA (taxe sur les services numériques de 3 %) a été adoptée le 21 mai 2019 en France. Cette taxe concerne les géants du numérique européens ou non européens réalisant plus de 750 millions d’euros de CA mondial et réalisant du chiffre d’affaires en France sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plateformes.

Mots clés : start-up, PME, PMI, établissement stable, numérique, impôts sur les bénéfices

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat

Partagez cet article