Pourquoi la réforme de la fiscalité mondiale préoccupe les dirigeants d’entreprise

Le 10 juillet dernier, les ministres des Finances des pays du G20 ont approuvé l’accord historique à ce jour déjà soutenu par 134 pays de l’OCDE et prévoyant l’instauration d’un impôt mondial d’au moins 15 % sur les bénéfices des entreprises multinationales. Quelles sont les grandes lignes de cet accord et pourquoi les chefs d’entreprise s’inquiètent-ils ?

« L’accord fiscal international le plus important conclu depuis un siècle », « un accord ambitieux global novateur », « une avancée majeure »… Les éloges ne manquent pas pour saluer l’accord intervenu le 10 juillet 2021 à l’OCDE sur la réforme fiscalité mondiale actée après des années de négociation et qui pourrait rapporter 150 milliards de dollars dont 5 à 6 milliards pour la France.

Les 2 piliers de l’accord

1er pilier : réaffecter une part de l’impôt sur les bénéfices payés par les multinationales aux pays dits « de marché », c’est-à-dire ceux où elles réalisent leurs activités. L’impôt ne sera donc plus uniquement prélevé là où leurs sièges sociaux sont installés.

Cette mesure s’applique aux entreprises qui réalisent plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial et dont la rentabilité est supérieure à 10 %.

–> Sont visées directement les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) qui bénéficient aujourd’hui du principe d’établissement stable à l’étranger pour échapper à la fiscalité sur les bénéfices qu’elles réalisent en Europe.

2ème pilier : instaurer un taux d’impôt effectif minimum « d’au moins 15 % » sur les bénéfices des multinationales. Un État pourra alors taxer les profits étrangers d’une de ses entreprises nationales qui aurait été imposée à l’étranger à un taux inférieur à ce taux minimum, afin de compenser l’écart.

Des contours à définir

Selon une récente enquête menée par KMPG France*, 77 % des dirigeants français s’inquiètent des contours de cette réforme et d’une application non uniforme des mesures entre les territoires des États signataires. Ils le ressentent, selon l’étude comme « un fort sujet de préoccupation pour leurs objectifs de croissance ».

Les règles techniques de cet accord mondial ne sont pas encore définies. Or, en effet, les notions d’« activité », de « transfert d’actifs ou de risques » dans les opérations de réorganisation ou restructurations transfrontalières (sujet sur lequel l’OCDE travaille actuellement) ou bien d’affectation des bénéfices devront être minutieusement définis par les États pour éviter des divergences d’interprétations et donc des cas de doubles impositions pour les entreprises. D’autant que la moitié des dirigeants français, selon l’étude KPMG précitée*, considèrent « les coentreprises, les fusions-acquisitions et les alliances stratégiques comme principales stratégies de croissance ». On peut donc imaginer que les restructurations transfrontalières seront regardées avec attention.

En attendant 2023

Face à cette accord OCDE, l’Union européenne a accepté de geler son projet de de taxe numérique afin de ne pas compromettre une réforme fiscale mondiale. De leurs côté, France tout comme l’Espagne, l’Italie ou l‘Autriche avaient déjà initié une taxation sur les grandes entreprises du numérique, ce à quoi les États-Unis avaient répondu par des sanctions commerciales notamment contre la France. L’État français attend désormais de voir l’issue de la reforme OCDE au niveau international pour décider d’adapter ou non son dispositif actuellement en place au niveau national.

La mise en œuvre de la reforme OCDE est attendue pour 2023 ce qui laisse peu de temps aux États pour s’organiser. CRAvocat fera le point sur les négociations à venir et sur les mesures concrètes de cette réforme le moment venu.

* 7ème étude annuelle de KPMG, CEO Outlook, réalisée entre juin et août 2021 auprès de 1 325 dirigeants. 

Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour

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