L’entrepreneur qui décide de transformer son entreprise individuelle en société soumise à l’IR ou à l’IS, peut transférer son activité à l’occasion, notamment, d’un apport de fonds de commerce. L’aspect fiscal de l’opération mérite d’être étudié scrupuleusement en amont.
Contexte – Un entrepreneur individuel qui mène une activité de nature commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole peut être un jour amené à décider la « mise en société » de son exploitation, c’est-à-dire à transformer son entreprise individuelle en société soumise à l’IR ou à l’IS, en échange de titres de la nouvelle structure (actions ou parts sociales).
Cette transformation peut être motivée par différentes raisons, comme la croissance de l’activité, le souci de préparer sa transmission ou bien des raisons relatives au patrimoine personnel de l’entrepreneur, à ses charges sociales, son impôt personnel sur le revenu, ou le simple fait de vouloir travailler à plusieurs associés.
–> L’enjeu : même si la transformation de l’activité devient incontournable et pressante, l’entrepreneur doit se poser en amont la question du coût de l’opération au plan fiscal (c’est-à-dire en termes d’impôts directs et de droits d’enregistrement pour lui principalement).
Problématique fiscale
Le régime optionnel de l’article 151 octies du Code général des impôts permet d’éviter l’imposition immédiate des plus-values d’apport et des profits sur stocks consécutifs à la cessation de l’activité individuelle. Il permet également de bénéficier d’un régime de faveur en matière de droits d’enregistrement pour les apports effectués à titre onéreux.
Grâce à l’article 151 octies du CGI :
- pas d’imposition des plus-values dégagées sur les éléments amortissables : ces plus-values seront réintégrées dans le résultat imposable de la société sur une période maximale de cinq ans (quinze ans pour les immeubles) ; toutefois, l’apporteur peut opter pour l’imposition immédiate au taux réduit de la plus-value à long terme globale afférente aux éléments apportés.
De même, les profits sur stocks seront imposés au nom de la société bénéficiaire de l’apport s’il y a leur inscription à son actif pour la valeur figurant dans le dernier bilan de l’apporteuse.
- report d’imposition des plus-values sur biens non amortissables et sur les plus-values liées à l’échange de titres, jusqu’à la cession (vente, apport en société, échange…) des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport, ou jusqu’au rachat de ces droits par la société, ou jusqu’à l’annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport ou jusqu’à la cession par la société des biens concernés.
En cas de réalisation d’un de ces évènements, l’apporteur est imposé au titre de l’année au cours de laquelle ceux-ci interviennent.
Le report d’imposition peut être cependant maintenu, par exemple, lorsque l’apporteur réalise une nouvelle opération ouvrant droit aussi à un report ou à un sursis d’imposition, ou bien en cas de transmissions successives à titre gratuit de droits sociaux, dès lors que chaque bénéficiaire souscrit ce même engagement.
Bon à savoir : une actualité pour les PME !
Une jeune PME (moins de 10 ans) dont les titres sont cédés et qui avait été constituée initialement par apport d’une entreprise individuelle préexistante, peut désormais, sous certaines conditions, bénéficier de l’abattement renforcé pour le calcul de la plus-value soumise à l’impôt.
L’information nous vient d’une réponse ministérielle du 13 août 2019 (Rép. min. AN n° 3501, 13 août 2019, Laqhila).
Les conditions sont les suivantes :
- d’une part, l’apport par le contribuable de son entreprise individuelle est intervenu moins de dix ans après qu’il a créé cette entreprise, qui constituait elle-même une PME à la date de l’apport et n’était pas issue d’une activité préexistante à sa création ;
- d’autre part, la société bénéficiaire de l’apport (société émettrice des titres cédés) est créée par le contribuable avec pour objet exclusif la poursuite de l’activité de son entreprise individuelle sans extension ni création d’activité nouvelle.
Il s’agit d’une tolérance administrative face à l’article 150-0 D, 1 quater-B du CGI qui pose pourtant le principe d’interdiction du bénéfice de l’abattement renforcé pour les titres de sociétés issus d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes.
Erreur à ne pas commettre
Attention à ne pas confondre le régime d’apport à une société par des entreprises individuelles comme celui décrit ici (régime des plus-values professionnelles, art. 151 octies et s. du CGI) avec le régime des apports de titres des associés personnes physiques vers d’autres sociétés soumises à l’IS (régime des plus-values des particuliers, art. 150-O B et s. du CGI) et qui propose aussi des régimes de sursis ou report sous certaines conditions.
Les bons reflexes
Votre opération de transformation d’une EI vers une société doit scrupuleusement respecter les conditions décrites par le régime de l’article 151 octies du CGI, y compris les obligations déclaratives qui en découlent (acte d’apport avec option, déclaration de cession auprès de l’administration fiscale, état de suivi des plus-values en report d’imposition, etc.), au risque de perdre le bénéfice du régime et vous faire redresser sur le passé.
Faites-vous accompagner par un avocat spécialisé !
Mots clés : article 151 octies– transformation – apport de fonds de commerce
Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat