Vous êtes fournisseur de services dans le numérique. Avant de conclure un contrat commercial avec un client étranger, assurez-vous que l’opération est correctement qualifiée au plan fiscal. En effet, les incidences fiscales ne seront pas les mêmes s’il s’agit d’un « service » ou d’une « redevance ».
Enjeu : si vos opérations sont mal qualifiées, votre client ou vous-même risquez de vous retrouver à payer une retenue à la source sur la clause rémunération du contrat qui n’avait pas été envisagée initialement. Ceci est aussi valable si vous êtes le client d’un fournisseur étranger.
Les critères de qualification n’étant pas les mêmes, il convient de se poser les bonnes questions, comme par exemple :
- ce service d’ingénierie est-il un accessoire d’une licence ?
- ce service induit-il un transfert de connaissances techniques ?
- mon client a-t-il accès au code source d’un logiciel ?
- mon client est-il l’utilisateur final ou est-ce un intermédiaire commercial ?
- en matière de Saas, est-on face à un service ? ou bien est on face à une licence au sens fiscal et non uniquement juridique ?
- Quels sont les droits qu’offre le contrat au client ?
Un service va générer un bénéfice pour le fournisseur qui est le plus souvent imposable (au lieu de son établissement (sauf exceptions et sauf notamment en cas d’« établissement stable », voir notre article).
En revanche, si le produit de la redevance est bien imposable au lieu du fournisseur, la redevance va générer en plus une retenue à la source au lieu du bénéficiaire de l’opération (état de la source du paiement).
À défaut de paiement de cette retenue, les pénalités sont sévères et vous pourriez être tenus solidaires ;
De même, l’économie de votre contrat bascule puisque cet impact fiscal n’a jamais été budgété ;
Enfin, votre relation commerciale risque d’en être définitivement affectée.
Problématique fiscale
Si votre client étranger ou votre filiale verse une rémunération qualifiée fiscalement de redevance en paiement de l’opération, il doit en principe s’acquitter d’une retenue à la source auprès des autorités locales sur le paiement de cette redevance en vertu de la convention fiscale internationale applicable.
Cela peut être l’inverse si votre entreprise française paye une redevance à un fournisseur étranger. Dans ce cas, la retenue à la source sera due en France.
Cette retenue à la source est fixée par la législation nationale et par l’effet des conventions fiscales signées par la France avec les autres États. Son taux peut baisser sous l’effet des conventions internationales.
Elle devra faire l’objet d’un formalisme précis auprès des autorités fiscales de chacun des États concernés (notamment attestation de résidence du fournisseur de l’opération). À défaut de déclaration et d’acquittement, les parties encourent des sanctions significatives.
À titre d’exemple, la France prévoit que le défaut de déclaration et d’acquittement d’une retenue à la source entraine un redressement de la retenue à la source par application d’un taux de 50 %* au lieu du taux conventionnel prévu (par exemple 10 % ou 15 %).
Erreurs à ne pas commettre
- rédiger seuls vos contrats internationaux ;
- rédiger vos contrats internationaux sans y adjoindre une revue fiscale et une clause fiscale si nécessaire ;
- interpréter seul les conventions internationales qui, outre leur complexité, doivent être lues aujourd’hui à l’aune de la nouvelle convention multilatérale signée par la France en 2018. Ce nouvel outil multilatéral est complexe et source d’ erreurs d’interprétation ;
- qualifier seul une redevance : en matière de numérique, l’OCDE propose des critères précis qui dépendent étroitement du contexte. En fonction du contexte, l’avocat fiscaliste saura quels critères appliquer.
- budgéter un contrat sans prendre en compte l’impact de la fiscalité internationale.
Les bons reflexes
- se faire aider en amont d’un spécialiste des conventions fiscales internationales pour la revue de vos contrats ;
- prendre en compte la fiscalité dans votre négociation commerciale si elle impacte le prix, pour cela il faut avoir analysé vos opérations en amont.
Mots clés : start-up, PME, PMI, établissement stable, numérique
Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat