Vérification des documents comptables par l’Administration : quelles sont les règles ?

La vérification de comptabilité permet à l’administration de s’assurer de la régularité et du caractère probant des écritures comptables et de les confronter aux déclarations du redevable afin d’établir, le cas échéant, les rehaussements nécessaires. Mais quelles sont les règles en la matière ?

Le contribuable est-il tenu d’envoyer ou d’apporter ses livres et documents comptables au bureau du vérificateur ? NON     

Le vérificateur est -il autorisé  à les emporter ? OUI MAIS….

En effet, le  vérificateur peut  prendre copie des documents comptables, mais il ne peut les emporter que sur demande écrite et préalable du contribuable, en lui remettant un reçu détaillé de ces pièces, dont l’administration devient alors dépositaire. À la remise des documents, le contribuable doit signer un reçu.

Les fichiers informatiques peuvent-ils être conservés par l’administration à l’issue de l’examen ? NON

L’Administration doit les détruire avant la mise en recouvrement ou avant d’informer le contribuable en l’absence de redressements.

Lorsque le contribuable établit que le vérificateur a emporté, dans des conditions irrégulières, un ou plusieurs documents comptables (ou même un document extra-comptable, mais utilisé par le vérificateur pour établir l’imposition), la vérification est irrégulière.

Mots clé : contrôle fiscal – vérification de comptabilité – documents comptables

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat

Le contrôle sur les prix de transfert concerne AUSSI les PME !

Toutes les entreprises ayant des relations internationales intragroupes sont sujettes à contrôle sur les prix de transfert, pas uniquement les grosses structures ! Et les redressements dans ce domaine peuvent être conséquents.

Enjeu : permettre aux entreprises qui sont en deçà des seuils documentaires de se préparer correctement en amont pour faire face aux redressements de plus en plus nombreux en matière de prix de transfert.

Dès qu’une entreprise réalise des opérations transfrontalières (financières ou opérationnelles) avec des sociétés de son groupe, elle est sujette à un contrôle sur les prix de transfert, quelle que soit sa taille.

Exemple : les sociétés qui sont détenues via des LBO devront justifier leurs pratiques de prix avec des sociétés du groupe éventuellement situés à l’étranger.

Problématique fiscale

Les entreprises françaises dépassant un certain seuil de chiffre d’affaires ou d’actif brut (ou bien détenues ou qui détiennent une entreprise remplissant ces seuils) doivent produire une documentation de prix de transfert :

  • Pour les entreprises avec un chiffre d’affaires ou d’actif brut > ou = à 400 M€
    Obligation de produire une imposante documentation dite « master file » (CGI, art. L 13AA) qui doit être mise à la disposition de l’administration en cas de contrôle (pour l’instant). La loi de Finances 2018 a transposé l’action 13 de l’OCDE (rapport BEPS) en complétant le champ de cette documentation. Les informations sont désormais imposantes et analytiques faisant de la documentation un document stratégique pour l’administration.
  • Pour les entreprises avec un chiffre d’affaires ou d’actif brut > ou = à 50 M€
    Obligation de produire une documentation « allégée » à transmettre dans les 6 mois de la liasse (CGI, art. 23 quinquies B Loi Sapin II).
  • En deçà rien à produire, MAIS pour autant : toutes les entreprises ayant des relations internationales intragroupes sont sujettes à contrôle Prix de Transfert, qu’elles soient soumises ou non à une obligation documentaire.

Les risques

Les entreprises soumises à l’obligation « allégée » peuvent se contenter de remplir le formulaire simplifié sans idée précise de leur politique prix de transfert. Or, ce formulaire est utilisé par l’administration comme un outil d’analyse pour lancer ses contrôles.

Les ETI/PME soumises à l’obligation « master file » doivent gérer une documentation extrêmement lourde et parfois inadaptée à leur taille, trop souvent improvisée.

Les filiales françaises de groupes étrangers n’ont bien souvent pas la main sur la documentation groupe, rédigée de manière décorrélée des enjeux français, tandis qu’elles défendent seules leur contrôle en France.

Enfin, beaucoup d’entreprises ignorent qu’il convient d’être détenue ou détenir une entreprise remplissant les seuils décrits plus haut, pour être dans le champ de l’obligation documentaire. Certaines ne sont donc pas en ligne avec l’obligation.

Enfin, celles qui n’ont aucune obligation documentaire, ignorent qu’elle doivent tout de même se préparer en cas de contrôle.

Sanctions

L’absence de documentation met l’entreprise face au risque immédiat de redressement (entreprise non préparée). Par ailleurs, elle fait l’objet de sanctions qui pourraient être aggravées à l’avenir (en discussion en France) :

Par exemple : lorsque l’entreprise vérifiée ne produit pas la documentation « master file » requise ou produit une documentation incomplète, elle est passible d’une amende s’élevant au plus élevé des deux montants suivants :

  • 0,5 % du montant des transactions non couvertes par la documentation transmise à l’administration,
  • 0,5 % du montant des transactions non couvertes par la documentation transmise à l’administration,

Le montant de l’amende ne peut être inférieur à 10 000 € et est applicable au titre de chacun des exercices.

Erreur à ne pas commettre

Oublier de se poser la bonne question : mon entreprise appartient-elle à un groupe et a-t-elle des opérations à l’international avec ce groupe ?

Les bons réflexes

Si l’entreprise est une cible concernée par les prix de transfert, alors elle doit :

  • vérifier si elle est soumise ou non à une obligation documentaire ;
  • dans tous les cas, cartographier les flux opérationnels et financiers avec son groupe ;
  • bâtir sa justification de prix intragroupe avec l’aide d’un professionnel (avocat fiscaliste spécialisé dans ce domaine).

Quid en cas de contrôle fiscal ?

Anticipez vos risques ! N’attendez pas la notification de redressement pour vous faire aider d’un avocat fiscaliste. L’administration reviendra difficilement en arrière à ce stade de la procédure, et ce type de contrôle demande beaucoup de temps de préparation en amont.

Pour l’entreprise française contrôlée, exemples d’impacts :

  • Politique de prix définitivement dictée par l’administration
  • Impact IS sur le rehaussement en base (redressement se compte en points de marge nette (ebitda) le plus souvent)
  • Rejet des pertes fiscales antérieures (effet mécanique du recalcul des prix)
  • Retenue à la source pour revenus réputés distribués sur le rehaussement (sauf si l’entreprise accepte le redressement (CGI, art. L 62A)
  • Intérêts de retard 2.4 % par année de retard sur le rehaussement IS (et sur celui de la retenue à la source si elle est due)
  • Impact potentiel TVA/douane sur le rehaussement
  • Impact CVAE sur le rehaussement
  • Impact sur la participation des salariés
  • Pénalité éventuelle pour mauvaise foi 40 %
  • Responsabilité éventuelle juridique / pénale des dirigeants
  • Réputation/Image de l’entreprise en jeu

Mots clés : start-up, PME, PMI, prix de transfert

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat

Attention à l’abus de droit !

De plus en plus pourchassé par l’administration fiscale, l’abus de droit est une notion dont les contours viennent soudainement de s’étendre. Ce qui n’était pas de l’abus de droit hier, pourrait bien le devenir demain.

Enjeu : Etre particulièrement vigilant sur la fiscalité lors de montages, opérations, schémas juridiques, patrimoniaux comptables ou économiques, permet d’éviter le risque de redressement fiscal en présence d’une notion d’abus de droit qui est aujourd’hui plus large qu’hier.

La Loi de finances 2019 prévoit deux nouveaux dispositifs anti-abus au travers des articles L 64 A du LPF et 205 A du Code général des impôts, qui ont vocation à se superposer au traditionnel article L 64 LPF réprimant l’abus de droit en matière fiscale depuis une loi du 13 janvier 1941.

Plus spécifiquement, le nouvel article L 64 A du CGI offre une notion de l’abus de droit plus floue donc plus souple et plus malléable. Grâce à ce nouvel outil législatif, l’administration fiscale pourra plus aisément qualifier un schéma ou une opération d’abusifs et en tirer toutes les conséquences en termes de redressement. Demain, de nouvelles situations qualifiées d’abus de droit vont poindre, et avec elles très certainement un contentieux important.

Parallèlement, il est important de rappeler aux conseils professionnels que la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018 prévoit que les personnes qui, dans le cadre de leur activité professionnelle, de conseil notamment, aident leurs clients à se soustraire à leurs obligations fiscales en leur proposant des montages frauduleux ou abusifs seront poursuivies et sanctionnées pour complicité.

En conséquence, le client et son conseil doivent rester vigilants lors de la mise en place d’opérations ou de schémas économiques tant pour les personnes morales que pour les personnes physiques, et se faire conseiller par un avocat fiscaliste lorsqu’elles ont des doutes sur leurs options.

Problématique fiscale

Le traditionnel article L 64 du LPF (abus de droit par fraude à la loi), permet à l’administration fiscale d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, afin d’en restituer le véritable caractère. Ces actes sont ceux qui poursuivent un objectif exclusivement fiscal, c’est-à-dire l’objectif d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales de l’intéressé. Ces actes sont de deux ordres : les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation) ou les actes qui recherchent le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. L’article L 64 du LPF concerne tous les impôts

Avec le nouvel article L 64 A du CGI, les actes qui, à compter du 1er janvier 2020, ont un motif principalement fiscal seront aussi susceptibles d’être écartés par l’administration sur le terrain de la fraude à la loi. Cette disposition sera applicable aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021. L‘article L 64 A du CGI concerne aussi tous les impôts.

Le nouvel article 205 A du CGI (qui transpose l’article 6 de la directive UE/2016/1164 du 12 juillet 2016 « directive Atad ») introduit quant à lui depuis le 1er janvier 2019 une clause anti-abus de portée générale permettant à l’administration d’écarter les montages réalisés en fraude à la loi dans un objectif « principalement fiscal » en matière d’Impôt sur les sociétés. Il a donc vocation à s’appliquer à toutes les opérations relevant de l’impôt sur les sociétés, à l’exclusion des opérations de fusion ou assimilées qui restent encadrées par le dispositif qui leur est propre.

En synthèse

Ces deux dispositions ont pour objet d’écarter des « montages » (art. 205 A) ou des « actes » (art. L 64 A) lorsque deux critères cumulatifs sont réunis :

  • d’une part, lorsque ces actes ou montages ont « à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux » (art. 205 A) ou « pour motif principal » (art. L 64 A) « d’obtenir un avantage fiscal » (art. 205 A) ou « d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales » (art. L 64 A) ;
  • d’autre part, lorsque ces actes ou montages ont été mis en place « à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable » (art. 205 A) ou « à l’encontre des objectifs poursuivis » par le législateur (art. L 64 A).

En somme, si au sens de l’administration, l’opération n’a pas d’explication commerciale valable reflétant la réalité économique, elle pourrait être comprise comme visant principalement un objectif fiscal et être qualifiée d’abusive.

Nous attendons de voir comment l’administration utilisera ces nouvelles notions dans les prochains contrôles fiscaux. Tout résidera finalement dans ce que l’on entend par un motif « principalement fiscal ». La jurisprudence spécifique à ces articles n’existe pas encore et ne peut donc pas nous éclairer. Il faudra en attendant utiliser la jurisprudence existante sur la justification commerciale des opérations.

Sanctions

L’article L 64 du LPF : l’abus de droit est sanctionné par l’application de l’intérêt de retard (0,20 % par mois de retard), plus une majoration égale à 40 % des droits mis à la charge du contribuable. Cette majoration de 40 % est portée à 80 % lorsqu’il est établi que le contribuable a eu l’initiative principale des actes abusifs ou en a été le principal bénéficiaire.

Avec l’article L 64 A du LPF ou avec l’article 205 A du CGI, cette majoration ne s’applique pas, mais les pénalités de droit commun pour insuffisance de déclaration resteront encourues. En effet, l’administration pourra appliquer les pénalités prévues à l’article 1729, a et c du CGI si elles sont correctement motivées, à savoir (40 % en cas de manquement délibéré ou 80 % en cas de manœuvres frauduleuses).
En échange de l’absence de pénalités spécifiques, le contribuable souffrira d’une absence de garanties de procédure comme l’impossibilité de recourir au comité des abus de droit.

De plus, il est important de noter que si ces deux articles ne peuvent pas être appliqués ensemble, chacun d’entre eux peut être appliqué cumulativement avec l’article général d’abus de droit L 64 du LPF et, de fait, créer un appel d’air aux sanctions prévues par ce dernier.

L’article 205 A permet cependant de faire préalablement une demande de rescrit auprès de l’administration.

Erreurs à ne pas commettre

Conseiller ses clients sur des montages, opérations, schémas juridiques, patrimoniaux comptables ou économiques, sans passer par la case fiscalité.

Les bons reflexes

Un avocat fiscaliste saura revoir votre schéma sous le prisme de ces notions (il maitrise la jurisprudence de l‘article L 64 LPF). Il vous évitera en amont l’écueil du redressement fiscal pour votre client et potentiellement des poursuites pour le professionnel que vous êtes.
L’avocat fiscaliste a l’expérience des contrôles fiscaux. De fait, il sera le premier informé de l’utilisation qui sera faite de ces nouvelles notions par l‘administration et saura identifier la bonne défense lors du contrôle.

Mots clés : abus de droit – contrôle fiscal

Auteur : Catherine Roussière, avocat associé, CR avocat

Vers la notion «d’établissement stable numérique ou virtuel»

Les dispositifs fiscaux des États sont aujourd’hui obsolètes face au développement de l’économie numérique, notamment parce qu’ils ne prennent pas en compte la création de valeur de cette nouvelle économie de marché. Quid du critère « d’établissement stable » pour les entreprises qui proposent des services numériques dans un autre pays ?

Enjeu : permettre que les profits réels de l’économie numérique soient captés par les États au lieu de consommation des services numériques.

Lorsque l’entreprise établie en France exerce tout ou partie de son activité dans un autre pays par l’intermédiaire d’un « établissement stable , elle devient imposable dans cet autre pays sur les bénéfices générés par son activité sur place. Le critère d’établissement stable tel que défini par la loi est très concret et physique (agent commercial dépendant, installation fixe d’affaires etc.). Or, aujourd’hui, une entreprise n’a plus besoin d’être présente physiquement dans un pays pour produire de la valeur et faire des bénéfices. C’est pourquoi la notion d’établissement stable va évoluer pour s’adapter à l’économie de marché et à l’économie numérique.

Problématique fiscale

Les entreprises du numérique sont vues comme absorbant le maximum de valeur de marché, notamment par la désintermédiation des services. Tout est géré depuis l’entreprise centrale située par exemple à l’étranger. De fait, il n’existe plus de captation du profit aux différents maillons de la chaine de valeur.

Exemple : une commission pour une mise en relation entre acheteur et vendeur sera captée au lieu de la société, située à l’étranger, et non au lieu de consommation du service, empêchant les États du lieu de l’utilisateur de capter le profit de cette commission.

Pour cette raison, face aux affaires fiscales des GAFA qui ont occupé l’actualité de ces dernières années, l’Union Européenne et l’OCDE exhortent les États à réfléchir à un nouveau concept virtuel d’établissement stable pour une mise en place à moyen terme concernant cette fois tous les acteurs du numérique quelle que soit leur taille.

Présence numérique significative

Avec ce nouveau concept « d’établissement stable numérique » les bénéfices ne seraient plus taxés à l’impôt sur les bénéfices au lieu du fournisseur, mais bel et bien taxés au lieu de l’utilisateur ou du consommateur puisque ce dernier est une condition nécessaire à la réalisation des profits et reflète notamment la marge générée par les effets de réseaux (lieu de présence numérique significative).

La réflexion est en cours et l’élaboration pourra se faire un peu attendre, tant le concept est complexe (attractivité des États, concurrence, définition des critères du bon modèle fiscal, détermination du bénéfice numérique, etc.). Mais attention, car ne le disions-nous pas aussi de la taxe GAFA (solution d’attente de l’établissement stable numérique) qui a pourtant vue le jour très rapidement en France début 2019.

Erreurs à ne pas commettre

Penser que fiscalité du numérique = uniquement CIR (crédit d’impôt recherches) ! La fiscalité du numérique c’est aussi la fiscalité de vos flux et de votre économie, avec des redressements fiscaux qui se comptent en points de marge nette (Ebitda).

Les bons reflexes

  • se tenir informé sur l’établissement stable numérique ;
  • en attendant, faire le point sur vos établissements stables classiques (voir notre article) car cette notion ne disparaitra pas pour autant et un contrôle fiscal se déclenche en général pour l’ensemble de vos activités…

Info +

La Taxe GAFA (taxe sur les services numériques de 3 %) a été adoptée le 21 mai 2019 en France. Cette taxe concerne les géants du numérique européens ou non européens réalisant plus de 750 millions d’euros de CA mondial et réalisant du chiffre d’affaires en France sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plateformes.

Mots clés : start-up, PME, PMI, établissement stable, numérique, impôts sur les bénéfices

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat

Comptabilités informatisées : comment se soumettre au contrôle ?

Lors d’un contrôle des comptabilités informatisées, plusieurs options s’offrent à l’entreprise pour permettre à l’administration fiscale de vérifier les documents comptables. Faut-il effectuer vous-même les traitements nécessaires au contrôle ? Ou laisser l’administration s’en charger ? Comment faire le bon choix ?

Enjeu : comprendre les modalités de détermination des rehaussements et rester vigilent sur la cohérence du redressement et des droits rappelés.

Lorsque la comptabilité de l’entreprise est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable doit présenter ses documents comptables en remettant à l’administration une copie des fichiers des écritures comptables sous forme dématérialisée, au début des opérations de contrôle.

Le contrôle peut porter sur l’ensemble des informations, données et traitements qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le Code général des Impôts.

Problématique fiscale

La réalisation du contrôle des comptabilités nécessite la mise en œuvre de traitements informatiques. Plusieurs options s’offrent à l’entreprise :

  • Option 1 : laisser l’administration effectuer la vérification sur le matériel utilisé par l’entreprise ;
  • Option 2 : effectuer vous-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification et transmettre les fichiers « résultats » au service vérificateur qui fera un contrôle de cohérence.
    Dans ce cas, l’administration précise par écrit au contribuable les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer.
  • Option 3 : demander à ce que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l’entreprise.
    L’entreprise doit, dans ce cas, mettre à disposition de l’administration les copies des documents, données et traitements soumis au contrôle sous forme de fichiers plats.
    Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui les opérations sont réalisées. L’administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis.
    Le service vérificateur est tenu de présenter les « fichiers résultats » des traitements informatiques, la nature des traitements effectués, ainsi que les modalités de détermination des éléments ayant servi au calcul des rehaussements.
    En revanche, l’administration n’a l’obligation de communiquer ni les algorithmes, logiciels ou matériels qu’elle a utilisés pour effectuer ces traitements, ni les résultats de l’ensemble des traitements qu’elle a réalisés, que ce soit préalablement à la proposition de rectification ou dans le cadre de celle-ci (CE, 4 mai 2018, n° 410950, Sté Lagon Bleu).

Erreur à ne pas commettre

  • En cas de défaut de transmission de la comptabilité ou en cas de présentation de fichiers non conformes, l’entreprise encourt une amende de 5 000 € ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, une majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable (CGI art. 1729 D).
  • Même sanction en cas de défaut de mise à disposition, dans les normes et délais prévus, des fichiers ou copies de ces fichiers qui nécessitent des traitements informatiques (CGI art. 1729 H).

Le bon réflexe

Bien réfléchir avant de cocher une des 3 options… Si vous optez pour la dernière solution, veillez à vous faire exposer dans le cadre du débat oral et contradictoire, les modalités de détermination des rehaussements consécutifs à la mise en œuvre des traitements informatiques.

Quid en cas de contrôle inopiné ?

Dans certains cas, l’administration peut décider de procéder à un contrôle inopiné. Le vérificateur est autorisé à prendre deux copies (placées sous scellés) des fichiers informatiques, l’une étant remise au contribuable et l’autre conservée par le service (LPF art. L 47 A, III).

Mots clés : contrôle fiscal – informatique – comptabilité – contrôle inopiné

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat

Déductibilité des intérêts d’emprunt entre entreprises liées : jurisprudence confirmée

Dans le cadre de vos conseils, prêtez-vous attention au taux d’intérêts d’emprunt intragroupe pratiqués par vos clients ? Par exemple, lorsqu’un financement intragroupe a été mis en place dans le cadre ou à la suite d’un LBO. À défaut, vous pourriez potentiellement être concerné par le schéma abusif.

L’article 212 I A du CGI prévoit une limite de déductibilité au taux d’intérêt d’emprunt entre sociétés liées (i.e. d’un même groupe) par référence aux taux de marché.

Cette disposition a pour but d’éviter qu’une société n’emprunte à une autre société du même groupe, à des taux plus élevés que ceux qui lui aurait été proposés par le marché bancaire, lui permettant d’alourdir ses charges déductibles et abusivement diminuer son impôt.

Il s’agit donc d’une mesure anti-abus qui existait déjà avant la récente réforme de l’article 212 BIS du CGI (régime de déductibilité des charges financières – Loi de finances 2019). Cette mesure n’a pas été remaniée dans la mesure où elle traduisait déjà parfaitement l’esprit des recommandations OCDE en matière de transactions financières intragroupes.

La nouveauté réside dans deux récentes décisions de jurisprudence qui s’alignent parfaitement avec l’esprit de la loi en confirmant qu’un taux d’intérêt supérieur ne pourra désormais être acceptable que s’il est corroboré par une offre indépendante de marché, tenant compte des caractéristiques propres de l’emprunteuse.

Le régime fiscal

L’article 212 I du CGI prévoit deux limites à la déductibilité des intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise liée :

  • (Article 212 I A) Une déductibilité dans la limite du taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans (article 39 1 3° du CGI) ou, s’ils sont supérieurs, d’après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ;
  • (Article 212 I B) Lorsque la société prêteuse est établie à l’étranger, l’entreprise débitrice doit démontrer, à la demande de l’administration, que l’entreprise qui a mis les sommes à sa disposition est, au titre de l’exercice en cours, assujettie à raison de ces mêmes intérêts à un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices, au moins égal au quart de l’impôt sur les bénéfices qu’elle aurait eu à payer si avait été établie en France.

Sur l’article 212 I A : 2 arrêts

CAA Paris, SAS WB Ambassador, 31 déc. 2018

La cour affirme que pour apprécier la pertinence du taux appliqué au prêt consenti par une entreprise liée, l’emprunteur doit démontrer que ce taux est conforme à celui qu’il aurait pu obtenir non sur les marchés financiers mais auprès d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.

CE 18 mars 2019 n° 411189, SNC Siblu

Le caractère déductible des intérêts pratiqués sur des avances mises à disposition d’entreprises liées doit être déterminé au regard de la situation financière propre de la société emprunteuse et non de son appartenance au groupe.

En effet, une société ne peut pas déduire les intérêts des sommes mises à sa disposition au titre d’avances consenties au sein d’un groupe à un taux supérieur au taux prévu à l’article 39, 1-3° du CGI, dès lors qu’elle n’apporte pas la preuve, exigée par l’article 212, I du CGI, qu’elle aurait pu obtenir un tel taux auprès d’établissements financiers indépendants dans des conditions analogues.

En l’espèce, le taux moyen appliqué au titre des avances litigieuses correspondait exactement aux taux auxquels ont été signés les différents contrats d’emprunt en capital par les sociétés du groupe auprès de l’établissement financier dans le cadre d’une opération de « leverage by out » (LBO). Le Conseil d’État souligne que le taux d’intérêt auquel l’entreprise emprunteuse aurait pu s’endetter auprès d’organismes financiers indépendants doit être apprécié au regard, d’une part, des caractéristiques des prêts et, d’autre part, des caractéristiques propres de cette entreprise et non de celles du groupe de sociétés auquel elle appartient.

Cette jurisprudence va dans le sens de l’administration qui n’admet désormais comme preuve qu’une justification in concreto permettant une comparabilité des taux tenant compte du secteur industriel de l’emprunteuse/de la stratégie d’entreprise/ de la capacité de financement du groupe/des conditions de financement du groupe.

Rappelons que dans le même sens, l’OCDE a publié le 3 juillet 2018 (actions 8/10 rapport BEPS) un projet sur les transactions financières intragroupes. Dans ce cadre, elle rappelle notamment que la justification du taux de financement intragroupe doit être faite par référence à des transactions équivalentes faites entre tiers. L’OCDE rappelle la faible valeur probante des avis écrits provenant de banques indépendantes qui ne constituent pas des offres fermes.

Erreurs à ne pas commettre

Pratiquer un taux d’intérêt d’emprunt entre entreprises liées supérieur à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit, sans l’avoir documenté a priori, comme l’exige la jurisprudence.

Mots clés : taux d’intérêt – emprunts

Auteur : Catherine Roussière, avocat associé, CR avocat