Le mécénat serait-il lui aussi considéré comme une niche fiscale par le gouvernement ?

Abaissement du taux de la réduction d’impôt et instauration d’une limite des dépenses prises en compte font partie des mesures envisagées par le projet de loi de finances pour 2020 sur les conditions d’exercice du mécénat des entreprises.

Actuellement soumis à l’examen de l’Assemblée nationale, l’article 50 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit de modifier sensiblement les contours de la loi Aillagon du 1eraoût 2003 portant sur les conditions d’exercice du mécénat des entreprises.

Enjeu  → Cette mesure risque-t-elle de freiner le développement des engagements et des financements au service de l’intérêt général en France ?

Le taux de la réduction d’impôt en faveur du mécénat serait abaissé

Principe

Les entreprises qui font du mécénat peuvent aujourd’hui bénéficier d’une réduction d’impôt sur les bénéfices égale à 60  % des dons, pris dans la limite de 10 000 € ou de 5 pour mille du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé (CGI art. 238 bis).

L’article 50 du PLF prévoit de baisser de 60  % à 40  % le taux de la réduction d’impôt pour les versements supérieurs à 2 M € effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2020.

Exception

Demeureraient éligibles à une réduction d’impôt au taux de 60 %, quel que soit leur montant, les versements effectués au profit d’organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite de certains soins à ces personnes.

Les versements effectués au profit de ces organismes ne seraient pas pris en compte pour l’application du seuil de 2 M €.

La limite de prise en compte des versements resterait inchangée et le droit au report des excédents serait maintenu, mais le taux de réduction applicable à cet excédent serait le taux auquel il aurait ouvert droit. Ainsi, la fraction excédentaire des versements ayant ouvert droit à réduction d’impôt au taux de 40  % pourrait être utilisée, au même taux et dans les mêmes limites, pour le paiement de l’impôt sur les bénéfices au titre des cinq exercices suivants.

A noter : les versements des exercices antérieurs, clos avant le 31 décembre 2020, et restant à reporter conserveraient le bénéfice d’une réduction d’impôt égale à 60 %.

Un plafonnement des frais de mise à disposition de salariés serait instauré

Des précisions seraient apportées lorsque le don en nature prend la forme d’un mécénat de compétence, c’est-à-dire d’une mise à disposition gratuite de salariés de l’entreprise au profit d’un organisme reconnu d’intérêt général.

Serait ainsi retenue dans l’assiette de la réduction d’impôt, pour chaque salarié mis à disposition, la somme des rémunérations versées et charges sociales y afférentes dans la limite de trois fois le montant du plafond annuel de calcul des cotisations de sécurité sociale (40 524  € pour 2019).

Entrée en vigueur

Ces dispositions s’appliqueraient aux versements effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2020.

Mots clés : PLF 2020 – mécénat

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour

Approche « expérimentale » de la lutte contre la fraude fiscale

Les services fiscaux et douaniers pourront désormais collecter et exploiter les données publiées par les français sur les réseaux sociaux.

Le 13 novembre 2019, l’article 57 du projet de loi de finances pour 2020 a été adopté par l’Assemblée nationale. Il autorise l’administration fiscale et l’administration des douanes à « collecter et exploiter (…) les contenus librement accessibles » publiés sur les réseaux sociaux type Facebook, Twitter ou Instagram.

Objectif : faciliter la détection de la fraude dans le but de rechercher les manquements les plus graves.

La mesure est proposée « à titre expérimental » pour une durée de trois ans.

La Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) avait pourtant émis un avis très réservé sur la question en soulignant notamment que « les traitements projetés sont, par nature, susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des personnes concernées ».

Le texte est en cours d’examen au Sénat.

Mots clés : fraude fiscale – réseaux sociaux – données publiques

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour

Loi anti-fraude : premier bilan

À l’occasion du premier anniversaire de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, un communiqué conjoint du ministère de la Justice et du ministère de l’Action et des Comptes publics fait le point sur la mise en œuvre de ses mesures phares.

Le Service d’enquêtes judiciaires des finances, inauguré le 3 juillet 2019 est désormais totalement opérationnel avec 290 agents dont 266 enquêteurs. Il sera renforcé en 2020 de 25 officiers de douane judiciaire (ODJ) et 15 officiers fiscaux judiciaires (OFJ) supplémentaires

Le communiqué dresse également le bilan du mécanisme de dénonciation obligatoire instauré par la loi et qui prévoit l’obligation pour l’administration de dénoncer au Parquet les dossiers de contrôle fiscal ayant donné lieu à des rappels d’impôt supérieurs à 100 000 € et à l’application des sanctions administratives les plus lourdes. 587 dossiers fiscaux ont fait l’objet d’une dénonciation obligatoire ente le 1er janvier et le 30 septembre 2019.

Pour lire le communiqué de presse dans son intégralité :

https://www.economie.gouv.fr/premier-bilan-loi-lutte-contre-fraude

Mots clés : fraude – ODJ -OFJ – dénonciation

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour

Économie numérique : l’OCDE consulte sur la répartition du droit d’imposer entre les États

Le Secrétariat de l’OCDE publie une proposition dite « approche unifiée » sous forme de consultation publique. Objectif : faire progresser les négociations internationales sur les problèmes fiscaux induits par la numérisation de l’économie.

Enjeu : À l’ère du numérique, les droits d’imposition ne peuvent plus être attribués uniquement en référence à des critères de présence physique. Les règles actuellement en vigueur remontent aux années 1920. Dans une économie de plus en plus mondialisée, elles ne suffisent plus à garantir une répartition équitable des droits d’imposition.

Problématique fiscale

Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie ont été définis comme l’un des axes principaux du Plan d’action sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), ce qui a donné lieu à l’élaboration, en 2015, du Rapport sur l’Action 1 du projet BEPS.

Les États membres du cadre inclusif du BEPS s’étaient mis d’accord en mai 2019 pour suivre un programme de travail permettant d’aboutir sur un accord de taxation des multinationales. Ce programme a été accepté par les États lors du G20 à Osaka de juin 2019.

Les débats politiques autour de ces enjeux sont au cœur des priorités internationales et débouchent aujourd’hui sur une proposition de l’OCDE d’approche « unifiée » du droit d’imposer entre les États à l’attention d’une certaine catégorie d’entreprises. Les acteurs économiques concernés dont invités à formuler leurs commentaires d’ici le 12 novembre 2019.

Qui serait concerné ?

L’approche couvre les modèles d’affaires à forte composante numérique, mais irait au-delà, en étant centrée de façon générale sur les entreprises en relation étroite avec les consommateurs. Les industries extractives ne seraient a priori pas couvertes. Les travaux ne sont pas terminés sur ce point.

Quel État aura le droit de les imposer ?

Se profile la mise en place d’une nouvelle règle « du lien », c’est à dire une imposition sans condition de présence physique dans un État, mais reposant largement sur les ventes (par l’intermédiaire d’un établissement stable, d’une filiale ou de distributeurs indépendants). Ce nouveau lien pourrait être assorti de seuils, y compris de seuils de chiffre d’affaires par pays, calibrés de telle sorte à permettre aux juridictions aux économies plus modestes de bénéficier également de cette nouvelle approche.

Le bénéfice imposable de l’entreprise pourrait être réparti entre plusieurs lieux, par exemple :

Les règles actuelles de détermination des prix de transfert reposant sur le principe de pleine concurrence sont maintenues en grande partie mais sont complétées par des solutions fondées sur des formules à venir.

Pour prendre connaissance du document de consultation publique :

http://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/document-consultation-publique-proposition-secretariat-approche-unifiee-pilier-1.pdf

Mots clés : numérique – répartition – OCDE – BEPS

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour

Vers une restitution des retenues à la source pour les sociétés européennes déficitaires

La loi de finances pour 2020 prévoit la possibilité pour les sociétés ou organismes étrangers déficitaires d’obtenir, sous certaines conditions, la restitution des sommes retenues ou prélevées à la source.

L’article 12 du projet de loi de finances pour 2020 vient tirer les conséquences de l’arrêt Sofina qui avait sanctionné la législation française sur la retenue à la source sur les dividendes versés à une société étrangère déficitaire (CJUE, 22 nov. 2018, aff. 575/17).

Il instaure la possibilité, pour les sociétés ou organismes étrangers déficitaires, d’obtenir la restitution temporaire de certaines sommes retenues ou prélevées à la source.

Corrélativement, une imposition serait établie à ce titre. Cette imposition serait reportée tant que la société est déficitaire. Elle deviendrait exigible notamment lorsque la société redeviendrait bénéficiaire.

Codifiée au nouvel article 235 quater du CGI, cette disposition s’appliquerait aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020. On peut se demander s’il s’agit de l’exercice au cours duquel le fait générateur de la retenue (ou du prélèvement) à la source est intervenu ou celui au cours duquel la restitution est demandée.

Mots clés : PLF art. 12 – retenue à la source – dividendes – Sofina
Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat

Mise « en société » d’une entreprise individuelle : quel coût sur le plan fiscal ?

L’entrepreneur qui décide de transformer son entreprise individuelle en société soumise à l’IR ou à l’IS, peut transférer son activité à l’occasion, notamment, d’un apport de fonds de commerce. L’aspect fiscal de l’opération mérite d’être étudié scrupuleusement en amont.

Contexte – Un entrepreneur individuel qui mène une activité de nature commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole peut être un jour amené à décider la « mise en société » de son exploitation, c’est-à-dire à transformer son entreprise individuelle en société soumise à l’IR ou à l’IS, en échange de titres de la nouvelle structure (actions ou parts sociales).

Cette transformation peut être motivée par différentes raisons, comme la croissance de l’activité, le souci de préparer sa transmission ou bien des raisons relatives au patrimoine personnel de l’entrepreneur, à ses charges sociales, son impôt personnel sur le revenu, ou le simple fait de vouloir travailler à plusieurs associés.

–> L’enjeu : même si la transformation de l’activité devient incontournable et pressante, l’entrepreneur doit se poser en amont la question du coût de l’opération au plan fiscal (c’est-à-dire en termes d’impôts directs et de droits d’enregistrement pour lui principalement).

Problématique fiscale

Le régime optionnel de l’article 151 octies du Code général des impôts permet d’éviter l’imposition immédiate des plus-values d’apport et des profits sur stocks consécutifs à la cessation de l’activité individuelle. Il permet également de bénéficier d’un régime de faveur en matière de droits d’enregistrement pour les apports effectués à titre onéreux.

Grâce à l’article 151 octies du CGI :

De même, les profits sur stocks seront imposés au nom de la société bénéficiaire de l’apport s’il y a leur inscription à son actif pour la valeur figurant dans le dernier bilan de l’apporteuse.

En cas de réalisation d’un de ces évènements, l’apporteur est imposé au titre de l’année au cours de laquelle ceux-ci interviennent.

Le report d’imposition peut être cependant maintenu, par exemple, lorsque l’apporteur réalise une nouvelle opération ouvrant droit aussi à un report ou à un sursis d’imposition, ou bien en cas de transmissions successives à titre gratuit de droits sociaux, dès lors que chaque bénéficiaire souscrit ce même engagement.

Bon à savoir : une actualité pour les PME !

Une jeune PME (moins de 10 ans) dont les titres sont cédés et qui avait été constituée initialement par apport d’une entreprise individuelle préexistante, peut désormais, sous certaines conditions, bénéficier de l’abattement renforcé pour le calcul de la plus-value soumise à l’impôt.

L’information nous vient d’une réponse ministérielle du 13 août 2019 (Rép. min. AN n° 3501, 13 août 2019, Laqhila).

Les conditions sont les suivantes :

Il s’agit d’une tolérance administrative face à l’article 150-0 D, 1 quater-B du CGI qui pose pourtant le principe d’interdiction du bénéfice de l’abattement renforcé pour les titres de sociétés issus d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes.

Erreur à ne pas commettre

Attention à ne pas confondre le régime d’apport à une société par des entreprises individuelles comme celui décrit ici (régime des plus-values professionnelles, art. 151 octies et s. du CGI) avec le régime des apports de titres des associés personnes physiques vers d’autres sociétés soumises à l’IS (régime des plus-values des particuliers, art. 150-O B et s. du CGI) et qui propose aussi des régimes de sursis ou report sous certaines conditions.

Les bons reflexes

Votre opération de transformation d’une EI vers une société doit scrupuleusement respecter les conditions décrites par le régime de l’article 151 octies du CGI, y compris les obligations déclaratives qui en découlent (acte d’apport avec option, déclaration de cession auprès de l’administration fiscale, état de suivi des plus-values en report d’imposition, etc.), au risque de perdre le bénéfice du régime et vous faire redresser sur le passé.

Faites-vous accompagner par un avocat spécialisé !

Mots clés : article 151 octies– transformation – apport de fonds de commerce

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour, CR avocat