Contrôle fiscal : à quoi faut-il s’attendre ?

La « Charte des droits et obligations du contribuable vérifié », mise à jour en juillet 2020 par l’administration, apporte des explications concrètes sur le déroulement des procédures et l’importance d’un échange constructif avec le contribuable concerné.

Les grands principes de la Charte

Présomption de bonne foi

Les déclarations du contribuable sont présumées exactes et sincères. Ce principe entraîne 2 conséquences majeures :

A noter – L’intérêt de retard est calculé au taux de 0,20 %par mois, quelle que soit la nature de l’impôt concerné.

Dialogue

Dans l’avis de contrôle fiscal envoyé au contribuable on peut lire la mention suivante :

« Cet examen, qui prendra la forme d’un examen contradictoire de votre situation fiscale et personnelle, se déroule dans le cadre d’un dialogue transparent et constructif dans le respect des principes d’impartialité, de neutralité et d’objectivité prévus par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié (…). L’administration s’y engage. » 

A noter – Le dialogue joue un rôle particulièrement important dans le cadre d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ESFP et permet au contribuable de s’expliquer sur les discordances relevées par le vérificateur.

Opposabilité

La Charte est remise par l’administration au contribuable avant le début du contrôle fiscal. Les droits et obligations qui y sont énoncés sont opposables à l’administration.

L’impact de la crise sanitaire

En matière de contrôle fiscal, l’état d’urgence sanitaire a entraîné une suspension des délais entre le 12 mars et le 23 aout 2020 inclus. Ainsi les délais qui auraient dûcommencer à courir au cours de la période de suspension n’ont commencé à courir qu’à compter du 24 aout2020.

De même, le droit de reprise, c’est-à-dire la faculté offerte à l’administration pour exercer son pouvoir de contrôle, qui aurait dûse prescrire le 31 décembre 2020, a été prolongé.

Le déroulement des 3 types de contrôle possibles

 La Charte explique de façon très concrète les différents types de contrôle possibles, qu’il s’agisse de la vérification de comptabilité effectuée dans les locaux de l’entreprise, de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) ou de l’’examen de comptabilité sous forme dématérialisée.

Pour chacune de ces procédures, la Charte précise les modalités de contrôle, la durée de la vérification, les différents délais à respecter ainsi que les recours possibles.

♦ Vous êtes soumis à un contrôle fiscal ? Contactez-nous dès que possible afin que nous puissions réagir en tout début de procédure et vous accompagner efficacement dans vos démarches avec l’administration fiscale ♦

Source : Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, DGFIP juillet 2020

Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour

Apple-Irlande vs Bruxelles : le « marathon » de la Commission européenne

Le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision de la Commission européenne qui obligeait Apple à reverser à l’Irlande 13 milliards d’€ d’avantages fiscaux.

Un marathon… c’est ainsi que Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la concurrence, a qualifié son combat « contre l’optimisation fiscale agressive » après la décision du Tribunal de l’Union européenne du 15 juillet 2020.

Point de vue de la Commission

Dans une décision de 2016, la Commission européenne avait considéré que le traitement fiscal réservé à Apple en Irlande et qui lui a permis (ainsi qu’à ses filiales) d’économiser 13milliards d’euros, était illégal au regard des règles de l’UE en matière d’aides d’État, car il conférait à l’entreprise un avantage significatif par rapport aux autres sociétés soumises aux mêmes règles nationales d’imposition.

Décision du Tribunal de l’UE

Apple n’aura pas à rembourser à l’Irlande ces 13 milliards d’euros d’arriérés d’impôts… Ainsi en a décidé le Tribunal, estimant que la Commission européenne n’avait pas réussi à démontrer « l’existence d’un avantage économique sélectif »au sens de l’article 107, paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (aides d’État).

Suite du marathon ?

Cette décision révèle l’urgence d’une harmonisation des règles fiscales entre les États, sans laquelle le combat de Bruxelles contre l’optimisation fiscale ne pourra pas se faire. Une harmonisation nécessaire, qui devra permettre à chaque État « de garantir ses recettes sans siphonner celle de ses voisins » (Le Monde, 17 juillet 2020).

Margrethe Vestager ne baisse pas les bras et maintient sa volonté de « mettre en place la bonne législation pour combler les lacunes et assurer la transparence ».

La Commission a jusqu’au 15 septembre pour faire appel de la décision.

Trib. UE, aff. T-778/16, Irlande/Commission et T-892/16, Apple Sales International et Apple Operations Europe/Commission
CP n° 90/20, 15 juill. 2020

Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour

Lutte contre la fraude fiscale et indemnisation des lanceurs d’alerte

Après une période expérimentale de deux ans jugée concluante, le dispositif d’indemnisation des  « aviseurs fiscaux » s’étend et prend place dans le Livre des procédures fiscales.

L’obtention par l’administration fiscale de renseignements émanant de personnes étrangères aux administrations publiques (« aviseurs fiscaux » ou « lanceurs d’alerte ») peut donner lieu à indemnisation des intéressés lorsque ces informations sont adressées de façon spontanéeet non anonymeset décrivent avec précisions des comportements frauduleux.

Mis en place dès 2017, ce principe d’indemnisation des aviseurs fiscaux a été étendu aux opérations de fraude à la TVA par la Loi de finances pour 2020 (art. 175) et codifié sous l’article L. 10‑0 AC du Livre des procédures fiscales.

Pourquoi une indemnisation des lanceurs d’alerte ?

La collecte des informations est un enjeu majeur de la lutte contre la fraude fiscale, notamment dans sa dimension internationale. La complexité et la sophistication de la fraude, nécessite, selon l’administration fiscale, de pouvoir recueillir de telles informations et d’indemniser la personne eu égard aux risques qu’elle prend. Avec le dispositif de rémunération des informateurs, l’administration fiscale se donne une carte supplémentaire pour améliorer l’efficacité de son action.

De nombreux pays européens rémunèrent déjà les lanceurs d’alerte. La France leur emboite le pas. Ainsi, les services de police, de gendarmerie et de la douane judiciaire et ceux de la direction générale des douanes et droits indirects, disposent d’un cadre juridique de rétribution.

Rappelons que dans ce dispositif de rémunération de l’informateur, les informations fournies doivent être susceptibles d’entrainer un début d’enquête permettant de les corroborer et de vérifier la véracité des faits allégués, afin d’identifier le procédé de fraude et les enjeux fiscaux.

Quelques étapes
          → applicable depuis le 1er janvier 2020

Domaine d’application

La rémunération des aviseurs fiscaux est prévue à l’article L 10-0 AC du Livre des procédures fiscales pour les renseignements relatifs aux manquements constatés dans les domaines suivants :

À titre expérimental et pour une durée de deux ans, l’article L 10-0 AC du LPF prévoit une généralisation de l’indemnisation pour les informations relatives :

Cette généralisation de l’indemnisation s’applique uniquement lorsque le montant des droits éludés excède 100 000 €.

 L’administration fiscale peut recevoir et exploiter ces renseignements dans le cadre des procédures de contrôle (prévues au titre II de la partie législative du LPF), mais ne peut pas les exploiter dans le cadre de visites domiciliaires (perquisitions fiscales – LPF, art. L 16 B) en cas d’obtention irrégulière de ces renseignements par la personne qui les a transmis à l’administration.

Conditions de rémunération

Un décret 2017-601 du 21 avril 2017, autorise la direction générale des finances publiques à mettre en œuvre cette procédure.Un arrêté du même jour en définit les modalités d’application :

Question pratique]
L’aviseur fiscal est-il tenu de réserver la primeur des informations à l’administration ?
(TA Montreuil 5-3-2020 n° 1808248)
La réponse est non, d’après un arrêt récent du Tribunal administratif de Montreuil  qui estime que l’administration ne peut pas refuser d’indemniser un informateur au seul motif que les renseignements qu’elle a reçus de sa part ont également été transmis à la presse et à la justice.
En effet, le juge estime que la décision de l’administration refusant une indemnisation à un informateur ne peut être justifiée par le fait que les renseignements reçuspar l’administration dans des courriers sont postérieurs à la publication d’articles de presse révélant les mêmes faits, dès lors que les renseignements fournis par l’informateur à l’administration étaient beaucoup plus détaillés et étayés de preuves.
Le juge estime également que pour refuser légitimement l’indemnisation sur ce motif, l’administration aurait dû établir qu’elle aurait découvert sur la seule base des articles de presse les manquements dénoncés par l’informateur.
Il juge aussi que le fait que l’informateur ait déjà transmis certaines informations au procureur de la Républiquene fait pas obstacle à ce qu’il puisse spontanément les transmettre ou en transmettre d’autres à l’administration fiscale au titre du dispositif des aviseurs fiscaux, et que pour refuser légitimement l’indemnisation sur ce motif, l’administration aurait dû établir qu’elle aurait eu à sa disposition ces renseignements par transmission du Parquet avant la transmission par l’informateur.
→ A noter : Le tribunal administratif de Montreuil se prononce également sur la possibilité même de recours contre la décision de refus d’indemnisation, jugeant que celle-ci peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Mots clés : fraude fiscale, aviseur fiscal, LPF 2020

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour

Assistance fiscale : les clients d’UBS seront inquiétés par le fisc français

La Suisse coopère et transmet au fisc français l’identité des détenteurs de comptes chez UBS entre 2010 et 2015

Le feuilleton dure depuis 2016, date à laquelle le fisc français avait transmis à son homologue suisse une demande « demande d’assistance fiscale » pour récupérer des renseignements (nom, date de naissance, adresse, solde de comptes) sur des français détenant des comptes numérotés au sein de la banque UBS. 

Demande accordée par l’AFC (homologue suisse de la DGFIP), annulée ensuite en 2018 par le tribunal administratif suisse sur plainte d’UBS. C’est finalement le Tribunal fédéral de Lausanne qui déclare la demande de la France recevable et l’annonce dans un communiqué de presse du 26 juillet 2019 :

 » Les éléments indiqués par la France permettent de conclure à un soupçon de comportement illicite, à savoir qu’une partie des détenteurs des comptes concernés seraient des contribuables français n’ayant pas respecté́ leurs obligations fiscales ». 
(…) les numéros de comptes ont été obtenus à la suite d’une enquête pénale en Allemagne ; plusieurs listes sont concernées, dont une liste comportant les noms de contribuables dont la grande majorité sont établis en France et dont la moitié se réfère à des comptes non déclarés auprès des autorités fiscales (…).
(…) aucun obstacle juridique ne permet de justifier un refus de l’assistance administrative dans le cas d’espèce. « 
Tribunal Fédéral de Lausanne, Communiqué de presse du 26 juillet 2019

Le fisc français va donc recevoir l’identité de plus de 45 000 personnes ayant détenu un compte bancaire chez UBS en Suisse pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2015, et qui sont soupçonnées de ne pas avoir déclaré les sommes à l’administration fiscale française. Les renseignements obtenus pourront être utilisés contre les éventuels fraudeurs.

Les personnes concernées avaient jusqu’au 11 juin 2020 pour intenter un recours. Dans le cas contraire, les données bancaires seront automatiquement transférées aux autorités fiscales françaises.

 

Mots clés : assistance fiscale – fraude fiscale – ubs

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour

Trusts étrangers : report de la date de déclaration annuelle

La date limite de dépôt de la déclaration annuelle pour les administrateurs de trusts est reportée au 30 septembre 2020

De quoi s’agit-il ? 

Les administrateurs de trust étrangers ont 2 obligations déclaratives :

  1. La déclaration « évènementielle » pour la constitution, la modification, l’extinction et les contenu des termes du trust.

          → déclaration à faire dans le mois suivant l’évènement

2. La déclaration annuelle de la valeur vénale, au 1er janvier de l’année, des biens et droits placés dans    le trust et de leurs produits capitalisés

        → déclaration à faire au plus tard le 15 juin de chaque année

C’est cette deuxième déclaration qui a été reportée au 30 septembre 2020.

Qui est concerné ?

L’administrateur des trusts :

Comment déclarer ?

Les imprimés à remplir sont les suivants : 

L’imprimé doit être rempli en langue française et déposé au service des impôts des entreprises étrangères.

Mots clés : trust étranger – covid-19 – déclarations

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour

Contrôles fiscaux : reprise échelonnée à partir du 24 août 2020

La fin de la période juridiquement protégée a été fixée au 23 juin 2020, sauf pour les contrôles fiscaux, dont les délais sont suspendus jusqu’au 23 août 2020 minuit.

Qu’est-ce la période juridiquement protégée ? Il s’agit de la période concernée par les suspensions de délais et autres mesures dérogatoires. Cette période s’étend du 12 mars au 23 juin 2020 à minuit (ord. 2020-560, 13 mai 2020, art. 1er, 1o).

En matière de contrôle fiscaux, la période a été prolongée jusqu’au 23 août 2020.

Objectif : préserver à la fois la capacité des contribuables à faire valoir leurs arguments dans de bonnes conditions ainsi que la capacité de l’administration à intervenir sur place lors d’un contrôle fiscal.

Selon le rapport relatif à l’ordonnance du 13 mai 2020, cette prolongation « permettra une reprise échelonnée des procédures de contrôle fiscal, adaptée à la situation économique de chaque contribuable ».

Cette suspension concerne aussi bien les particuliers que les entreprises.

   → En pratique
Mots clés : contrôle fiscal – covid-19 – délais

Auteur : Catherine Roussière, avocat à la Cour