Les mesures du PLF 2022 pour favoriser les cessions d’entreprises
Dans son article 5, le projet de loi de finances 2022 prévoit de faciliter la reprise d’entreprises au travers de mesures destinées à favoriser les cessions d’entreprises
Concernant la cession d’une activité mise en location-gérance
La cession d’une activité mise en location-gérance pourrait, à compter de 2022, bénéficier des deux dispositifs suivants :
- les conditions d’application des dispositifs d’exonération des plus-values de cession d’entreprise lors du départ à la retraite du cédant (CGI, art. 151 septies A) ;
- les conditions d’application des dispositifs d’exonération des plus-values lorsque la valeur des éléments transmis n’excède pas un certain plafond (CGI, art. 238 quindecies).
Ces deux dispositifs pourraient s’appliquer y compris lorsque la cession est effectuée au profit d’une personne autre que le locataire-gérant dans le cas où ce dernier ne reprend pas l’activité et sous réserve que la transmission du fonds soit assortie de la cession de l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité mise en location-gérance.
Concernant les exonérations d’impôts
Les exonérations d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés des plus-values de cession d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité prévus par l’article 238 quindecies du CGI sont ainsi prévues :
- Les plafonds d’exonération passeraient de 300 K€ à 500 K€ pour l’exonération totale, et de 500 K€ et 1 M€ pour l’exonération partielle (alors qu’elle s’appliquait précédemment sur une tranche allant de 300 K€ à 500 K€).
- Plusieurs éléments seraient pris en compte pour l’application de ces seuils : le prix stipulé des éléments transmis, ou leur valeur vénale, augmenté des charges en capital et des indemnités stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit.
Concernant les droits à la retraite du cédant
Le cédant pourrait faire valoir ses droits à la retraite dans les 36 mois suivant ou précédant la cession au lieu des 24 mois prévus actuellement (CGI, art 151 Septies A), afin de tenir compte des mesures de restriction sanitaire, notamment les fermetures administratives de certaines entreprises liées à la pandémie de covid-19.
Ce dispositif permettrait à l’exploitant de bénéficier, lors de son départ à la retraite, d’une exonération totale de la plus‑value de cession à titre onéreux d’une entreprise individuelle ou des parts d’une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu (IR), dès lors que le cédant fait valoir ses droits à la retraite.
Cette mesure s’appliquerait aux entrepreneurs ayant fait valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.
Symétriquement, les dirigeants de PME partant à la retraite, au regard de l’abattement fixe de 500 000 € sur les plus-values de cession des titres de la société soumise à l’IS qu’ils dirigent (CGI, art. 150-0 D ter), pourraient bénéficier de ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2024.
Concernant la formation
Pour faciliter l’accès des travailleurs indépendants à la formation, il est prévu de doubler le montant du crédit d’impôt en faveur de la formation des dirigeants prévu à l’article 244 quater M du CGI pour les entreprises de moins de dix salariés. Cette mesure permettrait de faciliter l’accès des dirigeants de petites entreprises à l’offre de formation professionnelle.
Le projet de loi de finances pour 2022 a été adopté par l’Assemblée nationale le 16 novembre 2021.
Consulter le projet de texte : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4482_projet-loi
Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour
Pourquoi la réforme de la fiscalité mondiale préoccupe les dirigeants d’entreprise
Le 10 juillet dernier, les ministres des Finances des pays du G20 ont approuvé l’accord historique à ce jour déjà soutenu par 134 pays de l’OCDE et prévoyant l’instauration d’un impôt mondial d’au moins 15 % sur les bénéfices des entreprises multinationales. Quelles sont les grandes lignes de cet accord et pourquoi les chefs d’entreprise s’inquiètent-ils ?
« L’accord fiscal international le plus important conclu depuis un siècle », « un accord ambitieux global novateur », « une avancée majeure »… Les éloges ne manquent pas pour saluer l’accord intervenu le 10 juillet 2021 à l’OCDE sur la réforme fiscalité mondiale actée après des années de négociation et qui pourrait rapporter 150 milliards de dollars dont 5 à 6 milliards pour la France.
Les 2 piliers de l’accord
1er pilier : réaffecter une part de l’impôt sur les bénéfices payés par les multinationales aux pays dits « de marché », c’est-à-dire ceux où elles réalisent leurs activités. L’impôt ne sera donc plus uniquement prélevé là où leurs sièges sociaux sont installés.
Cette mesure s’applique aux entreprises qui réalisent plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial et dont la rentabilité est supérieure à 10 %.
–> Sont visées directement les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) qui bénéficient aujourd’hui du principe d’établissement stable à l’étranger pour échapper à la fiscalité sur les bénéfices qu’elles réalisent en Europe.
2ème pilier : instaurer un taux d’impôt effectif minimum « d’au moins 15 % » sur les bénéfices des multinationales. Un État pourra alors taxer les profits étrangers d’une de ses entreprises nationales qui aurait été imposée à l’étranger à un taux inférieur à ce taux minimum, afin de compenser l’écart.
Des contours à définir
Selon une récente enquête menée par KMPG France*, 77 % des dirigeants français s’inquiètent des contours de cette réforme et d’une application non uniforme des mesures entre les territoires des États signataires. Ils le ressentent, selon l’étude comme « un fort sujet de préoccupation pour leurs objectifs de croissance ».
Les règles techniques de cet accord mondial ne sont pas encore définies. Or, en effet, les notions d’« activité », de « transfert d’actifs ou de risques » dans les opérations de réorganisation ou restructurations transfrontalières (sujet sur lequel l’OCDE travaille actuellement) ou bien d’affectation des bénéfices devront être minutieusement définis par les États pour éviter des divergences d’interprétations et donc des cas de doubles impositions pour les entreprises. D’autant que la moitié des dirigeants français, selon l’étude KPMG précitée*, considèrent « les coentreprises, les fusions-acquisitions et les alliances stratégiques comme principales stratégies de croissance ». On peut donc imaginer que les restructurations transfrontalières seront regardées avec attention.
En attendant 2023
Face à cette accord OCDE, l’Union européenne a accepté de geler son projet de de taxe numérique afin de ne pas compromettre une réforme fiscale mondiale. De leurs côté, France tout comme l’Espagne, l’Italie ou l‘Autriche avaient déjà initié une taxation sur les grandes entreprises du numérique, ce à quoi les États-Unis avaient répondu par des sanctions commerciales notamment contre la France. L’État français attend désormais de voir l’issue de la reforme OCDE au niveau international pour décider d’adapter ou non son dispositif actuellement en place au niveau national.
La mise en œuvre de la reforme OCDE est attendue pour 2023 ce qui laisse peu de temps aux États pour s’organiser. CRAvocat fera le point sur les négociations à venir et sur les mesures concrètes de cette réforme le moment venu.
* 7ème étude annuelle de KPMG, CEO Outlook, réalisée entre juin et août 2021 auprès de 1 325 dirigeants.
Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour
Réussir la transmission de son entreprise en 5 étapes
De l’analyse à l’exécution, comment anticiper les implications financières, juridiques et fiscales de l’opération de transmission sans négliger l’aspect humain indispensable à son succès. Voici les 5 étapes clés à ne pas négliger.
Se poser les bonnes questions
Est-ce que je veux transmettre à mes enfants ? Simplement partir à la retraite ? Est-ce que je souhaite trouver un partenaire financier ? Est-ce que je veux vraiment céder mon entreprise ? « Pourquoi je vends » est la question fondamentale à laquelle le cédant doit pouvoir répondre en amont, afin d’aborder la transmission de son entreprise avec sérénité.
Analyser l’environnement du dirigeant
En fonction de l’environnement patrimonial du dirigeant, de ses objectifs personnels et professionnels, quel sera le mode de transmission le plus adapté ? Donation, cession, ouverture du capital ? La compréhension de la dimension humaine de l’opération pour le cédant est essentielle pour la réussite de l’opération.
Auditer avec précision
Après l’analyse, place à l’exécution avec une phase complète d’audit financier, social et juridique permettant de valoriser l’entreprise à son juste prix et de faciliter la négociation grâce a une parfaite connaissance de l’entreprise et des enjeux pour le cédant.
Sélectionner LE repreneur
Toute la phase amont permet au expert mandatés d’être en mesure de choisir le repreneur, celui qui correspondra aux attentes du cédant et qui sera en mesure d’obtenir son financement.
Négocier et conclure
Lors de cette ultime ligne droite les experts qui accompagnent le cédant tout au l’opération ont un rôle déterminant sur l’issue de l’opération. Tant sur la qualité des échanges avec le repreneur, que sur la production de la documentation juridique ou encore le respect des délais fixés jusqu’à la signature de l’opération de cession.
Avec une conscience aigue de la dimension humaine d’un projet de transmission et une connaissance précise des enjeux financiers, juridiques et fiscaux, CR avocat vous accompagne tout au long de l’opération.`
Vous envisagez de transmettre votre entreprise ?
Pour un premier échange informel : c.roussiere@cr-avocat.fr
Mots clés : cession, transmission, PME, dirigeant, cédant
Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour
Vers un cadre fiscal européen solide et équitable
Proposer une vision à court et moyen termes de la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle. Tel est l’objet de la communication adoptée par la Commission européenne le 19 mai 2021 et destinée à aider l’Europe à se relever de la pandémie.
Dans sa communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle, adoptée le 19 mai dernier, la Commission européenne propose un programme fiscal ambitieux à court et moyen termes, celui d’un système d’imposition des sociétés repensé « en phase avec l’évolution de nos économies et de nos priorités » explique Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif pour une économie au service des personnes.
Objectif ? Garantir des recettes publiques suffisantes au cours des prochaines années et permettre à l’Europe de se relever de la pandémie grâce à des règles fiscales solides, justes et efficaces pour les entreprises quelle que soit leur taille.
D’ici 2023 : un nouveau cadre
La Commission envisage d’ici à 2023 la création d’un cadre règlementaire pour l’imposition des revenus des entreprises en Europe « Business in Europe : Framework for Income Taxation» ou «BEFIT» qui permettra à l’UE de converger vers un corpus réglementaire unique en matière d’impôt sur les sociétés et de remplacer la proposition pendante d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, qui sera retirée.
L’objectif visé ici est de permettre une répartition plus équitable des droits d’imposition entre les États membres, de réduire les charges administratives, de supprimer les obstacles fiscaux, et enfin, de limiter l’évasion fiscale en créant un environnement plus favorable aux entreprises au sein du marché unique.
Telle est l’ambition de la Commission qui a défini les modalités de mise en œuvre d’un futur accord global d’ici 2023.
D’ores et déjà pour les 2 prochaines années
La Commission présente une série de mesures destinées à favoriser les investissements productifs, à mieux protéger les recettes nationales et à soutenir les transitions écologique et numérique. Au programme notamment, l’obligation, pour certaines entreprises opérant dans l’UE, de publier leurs taux d’imposition effectifs. Mais aussi de nouvelles règles de lutte contre l’évasion fiscale ainsi qu’une modification du système actuel d’imposition des sociétés pour inverser la tendance et encourager les entreprises à financer leurs activités au moyen de fonds propres plutôt que par l’emprunt.
Soulager les PME grâce au report de déficit
Adoptée dès le 19 mai, cette première recommandation sur le traitement national des pertes, incite les États membres à autoriser les entreprises à reporter en arrière les pertes sur l’exercice fiscal précédent à minima. Les entreprises rentables avant pandémie, pourront ainsi déduire les pertes qu’elles ont subies en 2020 et 2021 des impôts qu’elles ont payés avant 2020.
Dans le prolongement des recommandations de la Commission européenne, Bercy compte assouplir le dispositif actuel en faisant disparaître le plafond de 1 million d’euros, ce qui changera sensiblement la donne pour des entreprises de taille importante. D’autre part, les entreprises pourront imputer le déficit sur les trois exercices précédents, et non sur un seul comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Avec cette communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle , la Commission jette les bases d’un cadre fiscal européen ambitieux visant à créer un environnement plus stable pour les entreprises et stimuler une croissance durable.
Pour consulter le texte de la communication : https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/communication_on_business_taxation_for_the_21st_century.pdf
Mots clés : UE, fiscalité, réforme fiscale, impôts, Bercy
Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour
Dirigeant de PME : comment aborder sereinement votre projet de transmission et le faire décoller
Transmettre son entreprise est une opération complexe qui ne s’improvise pas. Face aux enjeux financiers, juridiques et fiscaux, de l’analyse jusqu’à la concrétisation de l’opération, le dirigeant doit s’entourer de spécialistes expérimentés et humainement impliqués.
Un temps d’introspection
Bien en amont de la transmission, une première phase de réflexion s’impose, car elle permet au dirigeant, aidé de son expert patrimonial et peut être aussi d’un coach, de se poser les bonnes questions et d’évaluer les implications personnelles et professionnelles de son projet. Transmettre, oui mais dans quel but ? À qui ? Dans quel délai ? Et pour quelles perspectives d’avenir ? Suis-je réellement motivé ? Qu’en pense ma famille ? Que deviendront mes salariés ?
Cette phase est primordiale car le dirigeant doit se dégager du temps pour conscientiser son projet. Le souhait doit se transformer en volonté, qui elle-même doit venir se sceller à l’action. Sans cette phase d’introspection, il est fort possible que le projet ne décolle jamais.
Comprendre l’environnement du dirigeant
Une deuxième phase consiste ensuite à analyser de façon approfondie l’environnement patrimonial et familial du dirigeant. Cette étape essentielle permet aux experts d’évaluer l’état du patrimoine personnel, les enjeux familiaux liés à l’opération et de soulever les problématiques fiscales correspondantes : quel coût l’opération va-t-elle avoir pour le dirigeant ? comment optimiser l’opération par un montage adapté ? comment anticiper la transmission aux enfants ? Pour autant, les experts missionnés ne doivent jamais perdre de vue la dimension humaine du projet car il n’est pas question de proposer un montage sophistiqué que le dirigeant ou sa famille ne sera pas en mesure d’assumer par la suite. Les experts doivent donc faire preuve de psychologie et de compréhension du contexte personnel de leur client.
C’est ce travail d’appréhension de l’environnement du cédant qui permettra de cibler le mode de transmission le plus pertinent, en phase avec ses objectifs personnels et professionnels (transmission aux enfants, cession à un tiers, ou bien encore faire entrer d’un associé dans le capital).
Le compte à rebours est déclenché
Arrivé à ce stade, le dirigeant est décidé et motivé par son projet. Les deux premiers étages de la fusée sont solidement construits ainsi que la rampe de lancement. Les experts vont pouvoir construire le dernier étage, c’est-à-dire procéder à l’exécution du projet avec une précision d’ingénieur.
Dans le cadre d’une cession à un tiers par exemple, l’intermédiaire mandaté par le dirigeant pour la vente doit avoir une excellente connaissance quantitative et qualitative de l’entreprise à céder. L’intermédiaire doit pouvoir idéalement en amont auditer financièrement et juridiquement l’entreprise, ce qui lui permettra de la valoriser à son juste prix, de produire la documentation adéquate pour le repreneur et d’anticiper les questions de ce dernier. Cette connaissance facilitera la négociation.
L’intermédiaire a engrangé une très bonne connaissance de son client et de l’ADN de l’entreprise à céder, il sera donc en mesure de chercher, sélectionner et identifier le bon profil de repreneur. Le repreneur doit plaire au dirigeant, il doit avoir les qualités requises pour reprendre et faire croitre l’entreprise, mais il doit aussi obtenir son financement. Sans bon repreneur, point de décollage, point de vente !
L’intermédiaire mandaté procède ensuite à la négociation. Opération délicate durant laquelle ce dernier fera des allers retours pertinents entre le cédant et le repreneur tout au long de l’opération jusqu’à la conclusion d’un accord. À chaque étape de la négociation, la documentation juridique (NDA, LOI, GAP) sera produite et vérifiée par les experts dans l’intérêt des parties.
L’accord est conclu, le décollage est réussi ! Mais le voyage continue pour le repreneur à qui il faudra plusieurs mois pour prendre seul les commandes.
En deux mots : bien s’entourer !
La transmission d’une entreprise dans laquelle le dirigeant s’est investi parfois durant de nombreuses années peut se révéler une opération éprouvante. Bien s’entourer est essentiel.
Dans ce projet, les partenaires juridiques, financiers et patrimoniaux choisis par le dirigeant doivent se connaitre et absolument échanger entre eux. Ils doivent prendre le temps de comprendre les motivations personnelles et les enjeux familiaux du cédant. Ils doivent être techniciens et fins stratèges en intégrant toujours dans leur réflexion la dimension humaine de l’opération.
Vous avez des questions à ce sujet, ou vous souhaitez un premier échange informel sur votre projet de cession, contactez-nous !
Mots clés : cession, transmission, PME
Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour
Cession d’entreprise et (sur)évaluation des stocks : votre comptable est-il responsable ?
Retour sur un arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2020 qui répond à la question de la responsabilité de l’expert-comptable quant à l’évaluation des stocks lorsqu’une garantie d’actif/passif a été librement acceptée par les parties à la cession.
De la cession des parts sociales à la mise en cause de l’expert-comptable
Par acte sous seing privé du 9 février 2010 contenant une clause de garantie d’actif et de passif, les consorts M. ont cédé à la société Tesak Holding les parts sociales qu’ils détenaient dans le capital de la société Partner Export, pour le prix de 250 000 euros déterminé à partir du bilan du 30 décembre 2008 et d’une situation bilantielle établie au 30 septembre 2009.
Par un arrêt devenu irrévocable, les consorts M. ont été, en application de la clause de garantie, solidairement condamnés à payer à la société Tesak Holding les sommes de 120 000 euros au titre d’une surévaluation des stocks et de 93 349 euros au titre d’une insuffisance des capitaux propres.
Considérant que leur expert-comptable, la société Compagnie phocéenne d’expertise comptable et fiscale (la société CPECF), avait commis des fautes lors de l’établissement des comptes de la société Partner Export, les consorts M. l’ont assigné en réparation des préjudices subis du fait de leur condamnation.
La société CPECF se pourvoit en cassation de l’arrêt d’appel (Aix en Provence, 5 avr. 2018) qui l’a condamnée à payer aux consorts M., en réparation de leur perte de chance de ne pas voir mis en jeu la clause de garantie d’actif et de passif, les sommes de 84 000 euros au titre de la surévaluation des stocks, outre intérêts, et de 28 004,70 euros au titre de l’insuffisance de capitaux propres. Selon elle, la condamnation du cédant à restituer tout ou partie du prix au cessionnaire, en exécution de la garantie de passif et d’actif qu’il a librement souscrite, ne constitue pas un préjudice réparable.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation donne raison à la société CPECF en cassant l’arrêt d’appel et décide que « les parties à la vente étaient convenues du prix des parts, objets de la cession, en considération de la situation comptable de la société, telle qu’elle avait été retenue pour déterminer les conditions de la garantie d’actif et de passif, de sorte que la condamnation à restituer une partie du prix au cessionnaire en exécution de cette garantie ne constituait pas, en elle-même, un préjudice réparable ».
En pratique
L’importance de l’évaluation des stocks
Lorsqu’un acquéreur achète une entreprise de négoce, il achète aussi un stock de marchandises. Il est donc normal que l’évaluation de ce stock soit à jour et cohérente avec le stock physique.
Les stocks ont un impact important sur le résultat de l’entreprise avec des sources d’erreurs nombreuses (erreurs sur les quantités, sur la propriété -date du transfert de propriété, problème des stocks en dépôt-, sur la méthode d’évaluation).
Les stocks sont donc une variable d’ajustement du résultat et donc du prix de la transmission.
L’inventaire physique contradictoire des stocks devient, dès lors, indispensable au plus près de la date de la cession pour la fixation du prix définitif et, le cas échéant, la mise en œuvre ultérieure de la garantie d’actif et de passif.
Stratégies d’inventaire
L’arrêt de Cour de cassation du 14 octobre 2020 qui libère l’expert-comptable de toute responsabilité sur l’évaluation des stocks lorsqu’une garantie d’actif passif a été librement acceptée par les parties à la cession, met plus que jamais en évidence l’intérêt de mener un inventaire physique de son stock pré-cession.
2 stratégies possibles :
- De préférence, le cédant mène lui-même cet inventaire avec l’aide d’un conseil dédié indépendant, avant que l’acquéreur ne le fasse dans le cadre de son audit d’acquisition. Ainsi, le cédant pourra prendre les décisions qui s’imposent en fonction des résultats de l’inventaire (par exemple, passage de provision pour dépréciation si valeur d’inventaire inferieure au prix de revient).
- Autre possibilité, l’acquéreur bien avisé mènera l’inventaire lui-même s’il en a le temps avec ses conseils. Il saura ainsi faire ressortir les éventuelles incohérences avec les comptes établis, qui seront traduites, actées et assumées dans le prix ou dans la garantie d’actif passif par le cédant.
Le premier scenario est à privilégier dans le cadre de la préparation de son entreprise. Mais dans tous les cas, vendre son entreprise dans le déni de son état d’inventaire est une très mauvaise idée ! Car l’acquéreur pourra faire jouer la garantie et demander au cédant un remboursement du prix de vente de l’entreprise en cas de surélévation du stock révélée post-cession (contrôle fiscal…). Le cédant n’aura guère de chance comme on vient de le voir, de se retourner contre son expert-comptable s’il a accepté une garantie d’actif et de passif.
Rapprochez-vous de vos experts avocats dans le cadre de votre cession ! CR Avocat se tient à votre disposition pour un premier échange informel sur le sujet.
Cass. com, 14 oct. 2020, n° 18-17.949
Mots clés : cession, stocks, garantie d’actif, expert-comptable
Auteur : Catherine Roussière, Avocat à la Cour